Continuer de vivre et d'aimer...
Le 24 janvier 2007, le lendemain du décès d'Iris, Ketsia m'a dit: je ne t'en voudrai pas si tu rencontres quelqu'un d'autre. J'ai bien entendu mis immédiatement de côté cette phrase qui ne correspondait pas du tout à ce que je voulais vivre.
Et pourtant, mes filles ont prié pour que je rencontre une nouvelle compagne.
C'est arrivé l'année passée. Je n'en ai pas parlé sur ce blog mais il est temps maintenant de le faire. Car, à entendre d'autres histoires, c'est une chose qui arrive même lorsque l'on pleure encore son épouse ou son époux !
J'ai donc rencontré Sylviane. Et c'est un peu étrange: en effet, Iris m'avait parlé plusieurs fois d'elle car elles avaient accompli leur apprentissage ensemble. Nous devions l'inviter mais cela ne s'est jamais fait. Je ne connaissais donc pas cette personne. Je l'avais juste vu 5 minutes à la Ligue lorsqu'Iris me l'avait présentée: tu sais, c'est la fille dont je t'ai déjà parlé...
Je dois l'avouer, et nous avons été d'accord avec Sylviane pour cela: c'est arrivé trop rapidement. Nous avons donc songé de remettre des fréquentations à plus tard. Pourtant, il nous est apparu que cela serait ridicule.
J'en ai donc parlé à mes filles, à mes amis et tous ont été heureux de la nouvelle même si mes filles ne pensaient pas que leurs prières auraient une réponse aussi rapide !
Restait un problème: je ne voulais pas de ne pas vivre mon deuil. L'éveil d'un autre amour ne supprimait pas ma douleur d'avoir perdu mon épouse. Par chance, Sylviane a bien compris cela et m'a soutenu dans mon chemin de deuil. Elle a même pleuré Iris avec moi et vécu intensément mes moments de doute, de douleur, de découragement.
Mais la joie d'une nouvelle relation s'est aussi installée. Même si nous ne vivons pas ensemble car nous désirons rester fidèle à nos convictions chrétiennes qui nous poussent à attendre le mariage pour nous connaître totalement, nous avons pu beaucoup partager et vivre de très bon moments de complicité.
Néanmoins, la culpabilité m'étreint parfois: j'ai été totalement fidèle à Iris et j'ai l'impression de la trahir en développant une autre relation avec une femme. Emotionnellement, ce n'est pas toujours facile à gérer ! La joie, la tristesse, la culpabilité veulent se frayer une place dans mon âme et se bousculent l'une l'autre.
Mais je me suis rendu compte que le souvenir que j'ai d'Iris ne disparaît pas de mon coeur malgré cette nouvelle relation. Elle fait partie de moi, de mon histoire et rien ne pourra l'en déloger. Pourtant, je ne veux pas qu'elle devienne fantôme entre Sylviane et moi, qu'elle soit omniprésente sans être là. Et je constate que cela aussi est possible. Je peux aimer Sylviane, découvrir la personne unique qu'elle est. Elle m'apporte des expériences différentes. Elle sait ne pas remplacer mais simplement succéder. Elle accepte cette réalité qu'elle fréquent un homme qui a été marié presque 25 ans et qui en a été heureux.
Ainsi, j'ai finalement la chance de vivre deux histoires différentes qui ne s'annulent pas mais se complètent. J'ai réservé quelques dates dans l'année où je pourrai prendre du temps à me souvenir consciemment d'Iris (les dates anniversaire qui avaient de la valeur pour notre couple). Sylviane s'y associe. Elle était avec moi sur la tombe d'Iris le 8 mai, date de notre anniversaire de mariage.
Les autres jours de l'année, j'entre totalement dans cette nouvelle relation. Et lorsqu'un souvenir revient, je le laisse prendre une place et repartir. Il m'arrive alors de pleurer quelques minutes ou sourire mais je ferme ensuite la boucle pour ne pas me laisser envahir. Ce qui est extraordinaire, c'est que je peux en parler simplement avec Sylviane sans être dans le secret. Elle l'accepte et je lui en suis très reconnaissant car je me sens libre de terminer mon deuil à mon rythme. Notre relation n'est ainsi pas mise en danger, elle me l'a confirmé, car je vis alors aussi totalement ma relation avec elle.
Je pense que ce que je vis, d'autres le vivent ou le vivront aussi. C'est beau même si cela peut paraître inimaginable. Cela peut faire partie d'un chemin de deuil. L'important, c'est de ne pas quitter ce chemin, d'aller jusqu'au bout. C'est aussi d'être dans la vérité, ne pas se mentir sur des sentiments parfois ambivalents.
Lorsque Ketsia était dans le ventre de sa maman, nous avions dit à Rachel: notre coeur va s'agrandir et il y aura de la place pour aimer ton frère ou ta soeur et continuer de t'aimer toi comme nous t'aimons maintenant. Nous avions reparlé plusieurs fois. Nous avons eu la chance que Rachel et Ketsia s'entendent bien même si elles sont différentes, même si parfois cela n'a pas été facile.
Je crois que mon coeur s'est encore agrandi ces derniers mois et que j'ai de la place pour aimer Sylviane. J'en suis heureux et elle le mérite bien. Nous nous marions le 5 juillet.