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Chemins de deuil
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Chemins de deuil
19 décembre 2007

La solitude

Cela est bien connu et en tout cas la souffrance nous le fait vivre: nous sommes les seuls a pouvoir marcher sur notre chemin ! Personne ne peut porter à notre place notre vie et les douleurs qui l'accompagnent. Personne, sauf le Christ, qui lui seul peut nous accompagner sur le sentier, voire même parfois nous porter lorsque cela est nécessaire.

Je ne fais pas exception à la règle. Je suis très conscient que c'est à moi seul de traverser ma vallée ténébreuse avec les forces et les faiblesses qui sont les miennes. Je ne peux pas demander à un humain de le faire à ma place. Dès le début, cela a été clair dans mon esprit, même si je ne ne me rendais pas compte de ce que cela voulait réellement dire ! J'ai donc choisi de vivre clairement mon deuil...même si parfois ou même trop souvent, je me cache pour pleurer !

A nouveau le Dr Christophe Fauré décrit bien cela (ah, je vous conseille vraiment ces livres, vous qui souffrez de la perte d'un être cher !) : Le deuil est intrinsèquement un chemin de solitude. Même ceux qui tiennent le plus à vous sont incapables d'avoir accès à l'intimité de votre peine. Si forts que puissent être leur amour et leur désir de vous apporter de l'aide, vous restez seul face à votre douleur (page 164, Après le suicide d'un proche).

"La solitude, cela n'existe pas !" chantait un chanteur lorsque j'étais adolescent. Or, dans une dissertation sur ce sujet, j'avais déjà écrit que oui, cela existait !

La solitude est une "compagne" à qui je n'ai pas donné beaucoup de place entre 22 et 44 ans. Elle est revenue dans ma vie par surprise dès février-mars 2002. J'en étais arrivé à croire qu'elle n'existait plus ! Et là, dans un pays appelé Vallée de Joux, elle a à nouveau tapé à ma porte. Machinalement, j'ai ouvert et elle a de nouveau fait partie de ma vie.

J'étais à l'époque le nouveau directeur de la maison d'accueil (!!!) de la région et j'avais commencé avant que ma famille déménage depuis la Chaux-de-Fonds. C'est ainsi que je me suis retrouvé plusieurs fois seul, voire très seul, à me promener dans la nature. En effet, contrairement à ce que l'on nous avait promis, je n'avais pas vraiment été accueilli dans cette région que j'ai découverte "très fermée" à cette occasion. Aucune invitation, bien que je faisais partie de l'église. Cela ne m'était jamais arrivé de rencontrer des groupes chrétiens si peu hospitaliers. Alors j'ai essayé de m'intégrer. J'ai fait partie de deux groupes de prière et de partage pour rencontrer des gens du coin. L'un ne m'a plus envoyé d'invitation dès le moment où j'ai dit que je n'irai pas au repas de soutien du restaurant de l'église protestante comme mes prédécesseurs. Je peux avouer aujourd'hui: je n'en n'avais pas les moyens car j'étais payé CHF 3'400. par mois (!!!) et j'avais deux appartements à payer et les autres factures ! Malheureusement, nous avons dû puiser dans ma caisse de pensions. Je suis conscient aujourd'hui de la folie humaine d'avoir accepté ce poste à cause d'un appel chrétien... En fait les chrétiens de la région voulaient surtout trouver un couple directeur pour laisser ouverte leur maison... L'autre groupe ne m'a plus envoyé d'invitation lorsque mon épouse et moi avont été licenciés sans respect des règles humaines (sans possibilité de nous défendre contre des accusations encore inconnues aujourd'hui) et contractuelles (sans médiation). Nous perdions ainsi notre travail et notre groupe de "soutien".

Nous avons alors vécu avec Iris une profonde solitude relationnelle. Nous n'osions souvent pas en parler avec ceux que nous connaissions avant cet épisode car nous avions honte et nous étions lynchés comme des malpropres par les "chrétiens" de la Vallée (du moins de ceux que nous connaissions !). Heureusement que des chrétiens que nous ne connaissions pas nous ont ouvert parfois leur porte. C'est la même famille d'ailleurs qui nous accueillis, mes filles et moi, après l'incendie et le décès d'Iris.

Maintenant, c'est vrai, je vis une profonde solitude après le décès d'Iris. Même si j'ai rencontré des personnes nouvelles qui me sont devenues très chères, je me sens parfois très seul.

Je sais que mes filles également vivent cela, même si elles sont souvent entourées.

Nous essayons alors parfois de nous soutenir mutuellement, mais l'intimité de notre peine comme l'écrit si bien Fauré reste inaccessible car seuls nous pouvons franchir certaines étapes personnelles par rapport à ce séisme familial que nous pouvons vivre avec le deuil d'une maman ou d'une épouse. Parfois même notre solitude est agravée par l'incompréhension de ceux que nous côtoyons, de ce qu'ils peuvent dire sur la situation.

En cette période de Noël, c'est pour moi et aussi pour mes filles, encore plus criant. L'absence d'Iris prend une envergure plus grande comme parfois les ombres créées par les bougies...

Durant cette période, j'en suis conscient, je ne suis pas drôle à vivre. Je suis triste même si j'ai des raisons de me réjouir.

Si j'écris cela, c'est pour que ceux qui vivent cette épreuve se rendent compte que cela est normal. L'événement de la mort nous laisse déphasé par rapport à notre environnement. Ceux qui côtoient des endeuillés peuvent alors simplement être là. Ils n'ont pas besoin de donner des conseils, ni de faire rire, ni de raconter des histoires pour nous distraire de notre pensée. Je crois que les endeuillés ont surtout besoin de trouver des personnes qui soient naturelles mais surtout présentes, des personnes qui n'abandonnent pas même si l'endeuillé met inconsciemment des barrières. La persévérance dans la bienveillance m'apparaît être un très bon remède que la littérature relève également. Et, comme je l'ai déjà écrit, oser parler clairement avec ceux qui souffrent de la personne disparue. Ce sera certainement le plus cadeau que vous pourrez faire.

Est-ce que parler de la personne disparue va pousser la personne endeuillée à rester dans son deuil ? Je ne crois pas car cela va souvent permettre de prendre conscience de plus en plus nettement de la réalité: la personne n'est plus là et ne reviendra pas. D'en parler permettra tout au plus de la laisser partir à notre rythme...

Il est important pour les personnes souffrant de deuil de trouver des personnes aptes à parler de leur deuil. Par chance, j'ai choisi immédiatement de trouver une personne compétente qui a été formée pour cela. Ainsi je vois une diacre régulièrement qui connaît les étapes du deuil et qui ne s'offusquent pas de mes états d'âme, de mes régressions. Au contraire, elle peut systématiquement me dire où j'en suis et me confirmer que cela est juste que j'en sois là. Au vu du mur de silence qui peut se dresser autour de nous, c'est une grâce de pouvoir partager avec un vis-à-vis qui nous comprend.

J'ai personnellement aussi la chance de côtoyer quelques personnes qui m'aiment et qui me laissent vivre mon deuil à mon rythme. Qu'elles en soient ici remerciées chaleureusement. Elles se reconnaîtront !

Christophe Fauré écrit (encore !): le fait de réunir autour de soi un réseau de soutien de qualité est considéré comme une des conditions les plus favorables pour cheminer dans le deuil. Cette présence n'enlève rien à la douleur, ni au sentiment de solitude, mais elle constitue une aide inestimable pour ne pas sombrer (p. 165).

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